ARCHIVISTIQUE ET MÉMOIRE DE LA CHANSON POPULAIRE POUR LA CRÉATION D’UN OUTIL VIRTUEL DE PRÉSERVATION DU RÉPERTOIRE par Paul Morency 24-02-14 Pourquoi les mots que la musique accompagne se gravent-ils plus profondément dans la mémoire que les mots nus, que les mots seuls? Les notes ont-elles des crochets qui se cramponnent aux régions de la tête où s’entreposent les souvenirs? (Érick Orsenna) Les quelques pages qui suivent répondent à l’invitation que M. Carol Couture, membre du groupe d’experts sur l’état et le devenir des bibliothèques et des centres d’archives, adressait aux citoyens-artistes qui voudraient faire connaître leurs attentes, idées ou projets quant à la préservation du patrimoine. Mon parcours de «citoyen-artiste» (note 1) croisant celui de la chanson depuis plusieurs années, je propose au groupe d’experts qu’il mette de l’avant et défende, dans son rapport et ses recommandations, la création d’un outil virtuel de préservation du répertoire (note 2) afin de sauvegarder la mémoire de la chanson populaire. Chanson populaire, changements technologiques et pertes Lors du Forum sur la chanson québécoise, tenu sous les auspices du Conseil des arts et des lettres du Québec les 4 et 5 février 2013 au Centre Phi à Montréal, des artisans et des professionnels de la chanson populaire se sont inquiétés que de grands pans de l’histoire et du répertoire de cette chanson disparaissent graduellement les uns après les autres (Chabot 2013 : 5), rêvant en même temps «d’un vrai site Internet qui aurait le souci du passé» (ibid. : 6). Dans cette foulée, le Groupe de discussion et de réflexion sur les enjeux de la musique à l’ère numérique musiQCnumériQC revenait, en septembre 2013, sur la pertinence de créer une bibliothèque numérique de la musique au Québec et de réfléchir sur l’échec des tentatives passées. Bien que mes propos portent principalement ici sur la chanson québécoise et acadienne de langue française, ils peuvent s’étendre à la chanson canadienne-anglaise et à la chanson autochtone. Par chanson, j’entends ici la chanson populaire sous toutes ses déclinaisons et dans tous les genres ou styles avec le début des années 1960 comme période de référence: la chanson de style «chansonnier», le pop, le rock, le folk, le blues, le jazz, le country, le punk, new wave, l’alternatif et ainsi de suite. La plupart des artistes populaires ont, dans ces années-là, produit et diffusé leurs chansons au moyen des 45 tours, des cassettes et des albums 33 tours. On est passé ensuite à l’ère du CD, plus facile d’usage et plus commode. Puis, vinrent les réseaux de partage et d’échange de fichiers musicaux du type de Napster (1999-2001), le téléchargement et l’achat de chansons en ligne sur un simple clic avec Bandcamp, Itunes ou Postedecoute.ca, ainsi 2 que le streaming (l’écoute en continu, sans téléchargement ni achat, avec Spotify, Deezer, Rdio et LastFM). Outre la radio et la télévision, la chanson rejoint ses publics via les sites internet d’artistes, Youtube (une impressionnante et anarchique discothèque/cinémathèque), Vidéomotion et autres plateformes. On reconnaît généralement que le CD cède la place au numérique et deviendra obsolète (Fortier : 2011 et 2013), même dans les magasins spécialisés. Renaud-Bray annonçait d’ailleurs récemment l’abolition dans ses magasins du poste de disquaire. Il n’en resterait plus que huit dans ses 31 succursales (Côté : 2014). Sans qu’on n’y ait porté beaucoup d’attention au départ, le changement des supports musicaux a causé à chaque fois des pertes dans le répertoire et accéléré l’oubli d’artistes. Du seul point de vue économique, c’est parier sur une rentabilité assez aléatoire (malgré d’indéniables et occasionnels succès financiers liés à la nostalgie) que de vouloir rééditer en CD ou en numérique des chansons qui ont trouvé leur public à leur époque, surtout si l’artiste ne se produit plus à la télévision ou sur scène, s’il a mis sa carrière en veilleuse ou s’il a disparu. Voici quelques exemples tirés de quelques recherches récentes. Exemple 1 : Lawrence Lepage Selon le site leparolier.org, l’auteur-compositeur interprète Lawrence Lepage (1931-2012) a produit trois albums 33 tours (1964, 1976, 1977), un album CD (2012) et deux 45 tours (1974, 1975). Son dernier album édité en 2012 et accessible sur postedecoute.ca reprend quelques titres antérieurs auxquels s’ajoutent de nouvelles chansons. Donc, à moins de posséder les disques de cet artiste en format vinyle, personne ne peut avoir accès à l’entièreté des chansons créées par Lepage. C’est bien dommage. Ce chansonnier racontait avec une touche bien singulière le pays sauvage, les déracinés, les amérindiens. Exemple 2 : Calixte Duguay Dans le site calixteduguay.com, on apprend que l’auteur-compositeur acadien Calixte Duguay a produit les albums Les Aboîteaux (1976), Retour à Richibouctou (1978), Rien que toi (1984), Chansons choisies 1967-1984 (1984), Les couleurs de ma vie (1999), De terre et d’eau (2012). On apprend aussi que l’album Chansons choisies 1967-1984 est épuisé, mais que son contenu intégral figure dans le CD double De terre et d’eau. Ce «contenu 3 intégral», c’est une sélection de 21 chansons tirées des albums antérieurs sur vraisemblablement un répertoire de 36 chansons originales. Il y a une perte d’une dizaine de chansons que personne ne pourra entendre à moins d’avoir accès aux albums achetés chez un disquaire d’occasion et à une tabletournante. Encore là, c’est dommage. Premier acadien lauréat du Festival de la chanson de Granby, Calixte Duguay a contribué puissamment, avec Édith Butler et Angèle Arsenault, à l’émergence et à la vitalité de la chanson acadienne. Exemple 3 : le groupe rock Madame Le groupe rock Madame s’est illustré au milieu des années 1980, ayant remporté deux Félix en 1986 et 1988 à l’ADISQ en qualité de meilleur groupe francophone. Il a produit les albums suivants : Mme (1985), Eldorado (1987), Wéké (1991), Ce beau pays (1994) et Madame chante Dutronc (1997). Le premier opus Mme reste introuvable. Archambault ne dispose d’aucun album. Renaud-Bray offre en vente le dernier opus : Madame chante Dutronc. On peut trouver Eldorado en format 33 tours sur Amazon.ca. E-bay et Amazon.ca offrent en vente les CD de Wéké, Ce beau pays et de Madame chante Dutronc. Wikipédia annonce que les albums Mme, Eldorado et Wéké sont disponibles sur Itunes, mais ma recherche dans ce magasin virtuel montre le contraire. C’est par conséquent devenu une mission quasi-impossible que d’accéder aisément au répertoire intégral de chansons originales de ce groupe. Outre les «trous noirs» dans la discographie et le répertoire de la chanson populaire, la simple recherche des traces laissées par des artistes qui ont fait leur marque (dans la période de référence) présente à son tour son lot de difficultés, malgré les ressources disponibles. Exemple 4 : Sylvie Tremblay Le site sylvietremblay.com de l’auteure-compositeure-interprète Sylvie Tremblay propose une offre de services pour des spectacles, cours de chant, classes de maître et coaching vocal. Cette artiste douée et polyvalente compte à son actif quatre albums : Ni bleu ni vert (1983), Parfum d’orage (1986), Et tu chanteras (1992), Sylvie Tremblay en concert (2005). On peut trouver chez Archambault.ca sept titres de l’album Et tu chanteras en format numérique et ses trois derniers CD chez Renaud-Bray. On peut acheter 4 certains de ses disques sur E-bay et Amazon.ca. Enfin, on peut se procurer les chansons de ses trois premiers opus sur Itunes. Malgré ce relatif et possible accès à son œuvre, il faudra beaucoup de patience et de chance pour simplement la découvrir ou la redécouvrir. Et, on pourrait en dire autant de plusieurs autres artistes encore actifs ou retraités. Le travail de recherche se verrait facilité si on pouvait compter sur un instrument répertoriant et classifiant systématiquement les artistes de la chanson populaire comprenant : notice biographique d’interprètes ou de groupes, discographie, chansons ou œuvres, genre musical, style, génération, années d’activités, thèmes, etc. L’instrument favoriserait les synthèses et permettrait de faire des liens entre des catégories d’artistes et des répertoires de tous styles en transcendant les décennies. Malheureusement, cet outil n’existe pas. À ma connaissance, les seuls «équivalents» sont les Enregistrements sonores de BAnQ et le Gramophone virtuel de Bibliothèque et Archives du Canada. La collection de la BAnQ compte 2 000 pièces de 1900 à 1947. Le rapport annuel 2012-2013 de l’organisme indique qu’au regard du programme de numérisation de la BAnQ la numérisation de tous les documents audiovisuels ne représente que 0,1 % du grand total. De son côté, le Gramophone virtuel offre un aperçu de l’ère des 78 tours. Sa base de données contient des images et des renseignements sur plus de 15 000 78 tours et enregistrements sur cylindre mis en marché au Canada et sur des enregistrements étrangers mettant en vedette des artistes canadiens ou présentant des compositions canadiennes. Le projet du Gramophone virtuel a été suspendu en 2006. En guise de prix de consolation, on annonce que de nouvelles chansons seraient ajoutées sur le site de temps à autre… en fonction du temps et des ressources disponibles … On sait depuis peu que des résistances internes et des attaques politiques auraient mis à mal les plans de modernisation et de numérisation des activités de Bibliothèque et Archives du Canada (BAC), si on en croit le témoignage de son ex-bibliothécaire en chef (Deglise : 2014). Aujourd’hui, pour repérer un artiste ou un groupe de l’ère du vinyle ou du disque compact et écouter son répertoire, il faut obligatoirement s’éparpiller et traquer une information d’inégale valeur partout où on le peut. C’est ainsi qu’on peut référer pour la chanson populaire: 5 - au site biographiesartistesquebecois.com animé bénévolement par M. Jean-Marie Tremblay; - au site de Québec info musique qim.com dirigé par Richard Baillargeon, Roger T. Drolet et Michel Fournier (assistés par des collaborateurs); - au site Wikipédia; - au site retrojeunesse60.com qui répertorie 288 groupes rock des années 1960; - au site disquesmerite.com; - au site auteurscompositeurs.com; - au site lamemoireretrouvee.blogspot; - au site bide-et-musique.com (proposant certains titres québécois). Certains de ces sites offrent de bons éléments pour la biographie et parfois la discographie des artistes. Quelques-uns proposent le téléchargement de pièces moyennant paiement. Aucun d’eux évidemment n’est ou ne prétend être complet ou exhaustif. Et dès qu’on tente de retracer les chansons d’un artiste ou d’un groupe moins connu ou plus marginal, on perd son temps. Il est impossible, par exemple, de mettre la main sur la discographie du groupe punk Notre-Dame. On pourra, au mieux, entendre deux de ses chansons sur Youtube, rien de plus. Le délitement progressif du répertoire et l’oubli d’artistes qui ont créé et enrichi la chanson populaire représentent une perte pour la mémoire culturelle et celle des artisans de la chanson eux-mêmes. Les interprètes actuels sont privés d’une banque centrale de titres dans laquelle ils pourraient puiser de temps à autre pour la préparation d’un album, d’un spectacle ou d’un concours. Les auteurs-compositeurs-interprètes d’aujourd’hui ne peuvent étudier facilement l’œuvre de prédécesseurs qu’ils admirent ou qui sauraient les inspirer. De même, les musiciens professionnels, étudiants ou amateurs ne peuvent réécouter facilement les orchestrations ou arrangements d’années antérieures (modes, genres ou styles) qu’ils aimeraient reproduire, réinventer ou réactualiser. On pourrait compléter la nomenclature des dommages collatéraux avec les professeurs de chant ou de musique, les musicologues, les paroliers professionnels, les étudiants en lettres et en histoire, tous ceux et celles qui aiment la culture et la chanson populaire. On ne peut cependant leur demander de revenir en arrière et d’oublier l’instantanéité du numérique qui anime et facilite leur vie quotidienne. On ne 6 peut non plus faire comme si une certaine amnésie ne les guettait pas bien malgré eux ou comme si des traces de la culture populaire ne s’effaçaient pas. L’archivistique au service de la mémoire de la chanson populaire : pour un outil virtuel de préservation du répertoire J’invite le groupe d’experts à considérer, pour les fins de ses recommandations et de son rapport, le projet d’un outil virtuel qui viserait à sauvegarder dès maintenant la mémoire (et toute la mémoire) de la chanson populaire. Cet outil, tablant sur les virtualités du numérique, utiliserait les principes, techniques et ressources de l’archivistique pour atteindre les objectifs suivants : - inventorier systématiquement et complètement le patrimoine de la chanson populaire éditée en 33 tours, 45 tours, cassettes et CD depuis les années 1960 jusqu’à nos jours; - établir un mode de classification du répertoire par genres ou styles, par artistes ou interprètes, par année, par langue, par thèmes, par titres, par étiquettes et par autres rubriques afin de favoriser la recherche, le repérage, l’accès, l’étude et l’écoute des oeuvres; - numériser et rendre accessibles sur un simple clic les albums et disques inventoriés qui ont été édités dans ces supports en voie de disparition; - pouvoir reconstituer la discographie complète par auteurs, compositeurs, interprètes, autres artisans et labels; - pouvoir donner accès aux textes des chansons (à l’exemple de la base de données Évangéline de l’Association des professionnels de l’édition musicale/APEM) ou pouvoir repérer les compilations de textes de chansons publiés par les auteurs-compositeurs-interprètes; - référencer en complément croisé les sites d’artistes ou sites d’amis d’artistes. Avant d’examiner un projet semblable, pourquoi et au nom de quoi faudraitil attendre que les vinyles, les cassettes et les CD deviennent aussi vieux, aussi rares et aussi fragiles que les enregistrements sur cylindre, alors même qu’on peut assez bien et assez vite reconstituer aujourd’hui le patrimoine de la chanson populaire? Pourquoi ne pas épargner temps et argent en misant 7 sur le concours que pourraient prêter les discothèques des radios d’État SRC/CBC, des collectionneurs privés ou même le grand public? Pourquoi ne pas parier tout de suite sur la numérisation d’œuvres déjà menacées afin de redonner un nouveau cycle de vie à un répertoire de chansons qui a été emporté ou qui risque de l’être de plus en plus vite par la dématérialisation des supports musicaux? Les moyens et le temps dont je disposais pour rédiger ce court mémoire ne m’ont pas permis de vérifier si, dans le passé plus ou moins récent, un ou des projets ayant la même finalité quant à la chanson populaire auraient reçu un appui financier de ministères, organismes et agences à vocation culturelle ou auraient donné lieu à la mise en place de projets pilote, d’outils ou d’instruments voués à la préservation du répertoire de la chanson populaire. Pour cette raison, il me semblerait opportun que le groupe d’experts puisse se servir des ressources, des réseaux, des informations ou des contacts sur lesquels il peut compter afin de compléter un portrait d’ensemble et notamment: - de déterminer, à ce stade-ci, si on dispose d’un recensement adéquat des travaux déjà accomplis, des projets analogues ou des subventions accordées pour en favoriser le démarrage; - d’inventorier les sources de financement possibles ou disponibles, les feuilles de route en planification réalisées par les grandes institutions culturelles ou par leurs partenaires traditionnels; - de circonscrire les sources et les lieux actuels de conservation des diverses archives sonores : maisons de production ou ayants droits, centres d’archives privées, discothèques des radios publiques ou commerciales, etc.; - d’identifier les acteurs capables d’assumer un leadership opérationnel; - de relever les avis des services juridiques (ministères, SPACQ, APEM) sur la problématique des droits d’auteur mis en cause; - de dresser un premier état de situation, proposer un bref énoncé d’orientations et suggérer un plan d’action préliminaire. À la suite d’une vaste consultation auprès d’acteurs en cause des domaines artistiques, le Conseil des arts et des lettres du Québec (2011 : 18-23) retenait 37 scénarios d’action visant à inscrire la culture à l’ère du numérique dont : la numérisation des oeuvres et des processus de création, la 8 constitution d’archives numériques et leur conservation; l’utilisation des technologies numériques pour assurer la reconnaissance internationale des contenus québécois; la diffusion et la promotion des contenus artistiques québécois à un large public. Essentiellement, l’approche que je propose ici s’éloigne d’un modèle supraholistique avec les résultats forcément prévisibles qu’il sous-tend. Au lieu de reporter aux calendes québécoises (ou canadiennes) la réalisation et la mise en place d’un outil virtuel pour sauvegarder la mémoire de la chanson populaire, il y a plutôt intérêt et avantage, de mon point de vue, à en jeter les bases maintenant et à le réaliser à la manière d’un blitz total et global (étape 1 : les années 1960-1970, étape 2 : les années1970-1980, étape 3 : les années 1980-1990 et ainsi de suite ou encore l’inverse). C’est ce que j’appelle une «approche ciblée et à horizon rapproché» qui aurait le mérite de créer un élan, de proposer un défi qui frappe l’imagination, de fournir aux organismes subventionnaires et au grand public un outil convivial et moderne, de capitaliser étape après étape sur le succès d’une «première culturelle» exemplaire réunissant toutes les générations, de pouvoir en faire un marketing tout aussi «intelligent» que l’outil lui-même, d’illustrer en quoi consistent la «démocratisation de la culture et du savoir» et ses bénéfices immédiats, de susciter des partenariats économiques et possiblement du mécénat, sans oublier du bénévolat de grande qualité. L’outil virtuel de préservation du répertoire rendrait service aux auteurs, compositeurs, interprètes, musiciens, chorales; aux professeurs, chercheurs ou étudiants en musique, en musicologie, en littérature et autres disciplines liées aux arts et à la culture populaire; aux abonnés des bibliothèques publiques, aux amateurs de chansons et au grand public de toute la francophonie. C’est, dans mon esprit, un projet rassembleur pour les artisans de la chanson ayant les profils les plus divers et les associations représentatives, projet enraciné dans l’histoire récente certes, mais rendu vivant et contemporain par les possibilités infinies de la technologie. 9 Conclusion Le projet pose différents problèmes dont celui de la libération des droits d’auteur. Ce n’est pas insurmontable comme le montre le site musicme.com qui diffuse gratuitement des titres anciens d’artistes disparus, avec l’accord des sociétés de perception de droits d’auteur ou ayants droits. Ce n’est pas de mon domaine d’évaluer le coût d’un tel projet ou ses modes de financement (incluant éventuellement une partie autofinancée), de spécifier non plus les phases de son organisation, ni d’en faire la promotion auprès des instances gouvernementales. Cependant, à titre comparatif quant aux coûts, la Bibliothèque nationale de France, grâce à un partenariat avec Memnon Archiving Services et Believe Digital, numérisera 200 000 documents sur une période de 7 ans pour un budget de près de 4 millions d’euros (6 millions en dollars canadiens), un investissement qu’elle vise à rentabiliser. La BnF Collection Sonore sera diffusée sous format numérique à l’unité, en téléchargement ou streaming par les plateformes ou les différentes chaînes mais aussi par albums, collections thématiques ou coffrets offerts aussi en magasins physiques ou en ligne. La BnF Collection rendue ainsi disponible au public portera sur la période des disques 78 tours parus entre 1900 et 1957 et des disques microsillons parus entre 1949 et 1962 : chanson française, musique classique et opéra, jazz, documents parlés, théâtre, répertoire jeunesse, variété internationale, au total dix genres représentés. Quelque 30 000 titres sont déjà accessibles. Je souhaite simplement qu’on se donne comme «objectif immédiat, atteignable et opérationnel» un choix différent de celui-là et, somme toute, plus modeste, soit celui de protéger collectivement la mémoire de la chanson populaire à partir des années 1960 avant qu’elle ne s’étiole et de commencer à y travailler. Je souhaite aussi que le groupe d’experts participe à cette amorce et à ce commencement. Paul Morency M.A. Ph.D. Boischatel (Québec) 10 NOTES Note 1 : Paul Morency écrit des textes de chansons depuis le milieu des années 1990. Il travaille avec des artistes émergents. Son travail a été remarqué et reconnu lors de concours ou festivals ouverts aux paroliers : lauréat du concours national des paroliers (deuxième prix) et lauréat (premier prix) du concours «En ville sans ma voiture» de l’Agence métropolitaine de transports de Montréal en 2011; lauréat du concours Drummondville en scène (premier prix) en 2010; lauréat du concours de Victoriaville en chansons en 2009 ; finaliste du concours Utopia du Festival Musicopolis de Besançon en 2010, 2012 et 2013. En 2013, il conçoit et donne un atelier d'écriture de chansons «Une chanson sous la boîte», issu de ses expériences et collaborations. Il a suivi quelques éditions des festivals de la chanson de Saint-Ambroise, Magog, Victoriaville, Drummondville, TroisPistoles et Granby. Il est membre de la SPACQ (Société professionnelle des auteurs et compositeurs du Québec), d’Ampli-Québec et de la SOCAN (Société canadienne des auteurs compositeurs et éditeurs de musique). Paul Morency détient une maîtrise en communication (1989) et un doctorat en linguistique (1999) de l’Université Laval. Il a publié le résultat de ses recherches sur le message coopératif au Septentrion, dans Recherches Sémiotiques/Semiotic Inquiries (RSSI) et chez Fidès. Il a co-traduit quelques guides en psychiatrie et en psychologie chez Décarie Éditeur et pour Les Amis de la Santé Mentale/Friends for Mental Health. Note 2 : J’aurais aimé trouver une autre dénomination que celle d’outil virtuel dans le titre du mémoire, n’ayant pas osé recycler le concept de «boîte à chansons» à cause de son histoire et de ses connotations. Les boîtes à chansons, ce sont des établissements où des «chansonniers» se produisaient au Québec dans les années 1960. Ces auteurs-compositeursinterprètes interprétaient des chansons alors dites «à texte», «à message» ou «sérieuses». Les boîtes à chansons dégageaient parfois un certain élitisme. La plupart d’entre elles proposaient un aménagement modeste de petites tables avec nappes à carreaux, bougies, filets de pêche, rouets, etc. De leur côté, les chanteurs de variétés ou chanteurs populaires se produisaient dans des cabarets, salles de spectacles ou bars pour d’autres publics avec un répertoire réputé plus léger. Ces deux mondes ne se côtoyaient pas, s’ignoraient mutuellement ou, dans certains cas, se méprisaient. Toutefois, certains cabarets (par exemple le cabaret Chez Gérard ) mettaient à l’affiche les Trenet, Piaf, Montand et autres grandes vedettes de la chanson française. 11 J’ai aussi pensé pour remplacer la dénomination d’outil virtuel dans le titre à utiliser le mot «juke-box» (francisé depuis 1954). À sa manière, le juke-box était une technologie permettant un échange ou une transaction instantanée avec les amateurs, ce que le projet lui-même voudrait être. 12 RÉFÉRENCES BÉDARD, M.-M. et al. (2012). Pour un virage culturel numérique dans le secteur de la musique. Recommandations en 6 thématiques, 9 p. Dans http://www.musiqcnumeriqc.ca/wiki/pour-un-virage-culturel-numerique-dusecteur-de-la-musique. BERTHIAUME, G. (2009). «Vers un réseau québécois de numérisation patrimoniale». Allocution prononcée dans le cadre du Premier congrès des milieux documentaires du Québec par le président-directeur général de Bibliothèque et Archives nationales du Québec. Dans http://www.banq.qc.ca/a_propos_banq/salle_de_presse/discours_allocutions/ 2009/numerisation_patrimoniale.html. BIBLIOTHÈQUE ET ARCHIVES NATIONALES DU QUÉBEC. Rapport annuel 2012-2013; Rapport annuel 2011-2012; Rapport annuel 2010-1011; Rapport annuel 2009-2010; Rapport annuel 2008-2009. CHABOT, M. (2013). «La chanson, la culture et le divertissement». Texte de l’allocution présentée à l’ouverture du Forum sur la chanson québécoise. Dans http://www.musiqcnumeriqc.ca/la-culture-la-chanson-et-ledivertissement/2040 CONSEIL DES ARTS ET DES LETTRES DU QUÉBEC (2011). Faire rayonner la culture québécoise dans l’univers numérique. Éléments pour une stratégie numérique de la culture. Rapport du Conseil des arts et des lettres du Québec à la ministre de la Culture, des Communications et de la Conditions féminines du Québec, 37 p. Dans http://www.calq.gouv.qc.ca/publications/numerique20111111rapportcalq.pd f. CÔTÉ, É. (2014). «Renaud-Bray abolit le poste de disquaire». Danshttp://www.lapresse.ca/arts/musique/201401/29/01-4733492-renaudbray-abolit-le-poste-de-disquaire.php DEGLISE, F. (2014). «Haute fonction publique fédérale-Après le silence, la révolte». Dans http://www.ledevoir.com/politique/canada/399559/hautefonction-publique-f%C3%A9d%C3%A9rale-apres-le-silence-la-revolte. 13 DÉZIEL, G. (2013). «Réalité 2.0 : la chanson du Québec en péril». 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Marc Chabot, parolier, formateur en écriture de chansons et essayiste, pour leurs observations, commentaires, suggestions ou encouragements. Le temps qu’ils m’ont accordé, leur lecture de ce texte et les échanges que j’ai eus avec eux sur la chanson populaire ont affermi mon intention d’aller de l’avant et de présenter ce projet au groupe d’experts. Archivistique et mémoire de la chanson populaire. Pour la création d’un outil virtuel de préservation du répertoire © Paul Morency Tous droits réservés 2014 Le 24 février 2014 14 15