Mémoire sur l'état et l'avenir
des bibliothèques et des
centres d'archives
présenté par l'AEEEBSI à la Société royale du Canada
dans le cadre des consultations sur l'état et l'avenir des
bibliothèques et des centres d'archives.
Association des étudiantes et étudiants de l’École de
bibliothéconomie et des sciences de l’information de
l’Université de Montréal
Adopté en assemblée générale le 16 janvier 2014
Table des matières
Introduction ___________________________________________________________ 3
La formation et le rôle social des professionnels de l'information ________________ 6
Enjeux du numérique __________________________________________________ 14
Perspectives des bibliothèques : le troisième lieu _____________________________ 20
Conclusion ___________________________________________________________ 23
Rappel des recommandations ____________________________________________ 25
Sources consultées et citées ______________________________________________ 27
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Introduction
L’AEEEBSI est l’Association des étudiantes et étudiants de l’École de bibliothéconomie
et des sciences de l’information de l’Université de Montréal. Elle représente
présentement plus de 500 membres étudiants, issus des différents programmes de l’École
de bibliothéconomie et des sciences de l’information : certificat en archivistique,
certificat en gestion de l’information numérique, maîtrise en sciences de l’information et
doctorat en sciences de l’information. Elle représente ainsi autant des étudiants destinés
aux centres d’archives, aux bibliothèques publiques, aux bibliothèques scolaires,
collégiales ou universitaires, aux bibliothèques spécialisées ou à la recherche et à
l’enseignement. « L’association étudiante veille à étudier, promouvoir, protéger et
développer les intérêts matériels, culturels, académiques et sociaux de ses membres et de
faire à cet effet les représentations jugées nécessaires. Elle veille à répondre aux besoins
collectifs et individuels de ses membres et à les informer de tout ce qui peut les toucher
directement ou indirectement. » (AEEEBSI 2014a)
Ayant pris connaissance des consultations menées par la Société royale du Canada sur
l’avenir des bibliothèques et des centres d’archives, nous avons jugé nécessaire de nous
pencher sur la question, et ce, pour plusieurs raisons. Tout d’abord, en tant que
représentants des étudiants, nous croyons être bien placés pour discuter de la formation
offerte aux futurs professionnels de l’information. Ensuite, en tant que futurs
professionnels nous-mêmes, nous avons dû, tout au long de notre parcours de formation,
nous interroger sur l’avenir de notre domaine. Nous pouvons ainsi apporter différents
éléments de réflexion sur la question de l’avenir des bibliothèques et des centres
d’archives.
Avec l’importance grandissante d’Internet et le développement constant de nouveaux
formats électroniques et de nouveaux supports permettant de stocker l’information, le
travail dans les bibliothèques et les centres d’archives est appelé à évoluer. De
nombreuses questions ont été soulevées par l’arrivée d’Internet et des réseaux sociaux :
comment indexer des pages web ? comment conserver des documents électroniques de
manière pérenne ? devrions-nous conserver des Tweets ? Certains ont même remis en
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question la pertinence des bibliothèques dans un monde où le livre se dématérialise pour
devenir numérique et où une quantité importante d’information se trouve en ligne.
Toutefois, nous sommes d’avis que les bibliothèques et les centres d’archives sont
aujourd’hui plus importants que jamais. En effet, le numérique apporte son lot
d’avantages. Toutefois, il crée également certaines inégalités, ce que nous appelons la
fracture numérique. Apparu aux États-Unis à la fin des années 1990, ce terme «désigne
les écarts ou le fossé se creusant entre ceux qui ont accès aux technologies de
l’information et des communications et ceux qui n’y ont pas accès. (...) La fracture
numérique sépare aussi ceux qui maîtrisent les outils et ceux qui ne savent pas s’en
servir.» (Jean-Michel Salaün et Clément Arsenault (sous la direction de), p.177) Ainsi,
l'expertise des professionnels de l’information est indispensable en ce qui à trait à l’offre
de la formation à la maîtrise de l’information, particulièrement dans un monde où la
quantité d’information est de plus en plus grande et les sources même d'information se
diversifient et se multiplient rapidement. Les centres d’archives et les bibliothèques
doivent également permettre de réduire le fossé numérique en offrant aux usagers des
ressources qu’ils n’ont pas nécessairement. Notons finalement qu’il y a encore beaucoup
de travail à faire au niveau de l’alphabétisation des populations. En effet, une étude
menée en 2000 par l’Organisation de coopération et de développement économiques
(OCDE) et Statistique Canada sur la littératie des adultes concluait qu’une partie
importante des adultes, même au sein des pays développés, n’avaient pas les compétences
nécessaires pour fonctionner dans le contexte actuel : «même les sociétés les plus
économiquement avancées sont donc déficitaires au chapitre des compétences en
littératie. Entre le quart et les trois quarts des adultes n’arrivent pas à atteindre au moins
le niveau 3, qui dénote, selon les spécialistes, une compétence minimale pour composer
avec les exigences de la vie et du travail d’aujourd’hui». (OCDE/Statistique Canada
2000, xiii In Jean-Michel Salaün et Clément Arsenault (sous la direction de), p. 179) Il
est ainsi impossible de nier l’importance des bibliothèques, qui jouent un rôle important
dans l’alphabétisation des populations.
Forts de l’idée que les bibliothèques et les centres d’archives demeurent indispensables
dans un monde où le numérique prend de plus en plus de place, nous nous sommes
penchés sur les sujets qui nous interpellaient le plus en tant qu’étudiants et futurs
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professionnels de l’information. Dans les prochaines pages, nous nous prononcerons sur
la formation des futurs professionnels de l’information, sur le monde du numérique dans
les bibliothèques et les centres d’archives pour finalement nous pencher sur les
perspectives des bibliothèques en tant que troisième lieu.
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La formation et le rôle social des professionnels de l'information
Dans un contexte où le monde des sciences de l'information est en changement constant,
il est nécessaire d'adapter la formation des prochains spécialistes de l'information. Les
étudiants de l'École de bibliothéconomie et des sciences de l'information de l'Université
de Montréal ont pu bénéficier autant de cours traditionnels (catalogage et classification,
gestion des documents et des collections, etc.) que de cours issus de disciplines connexes
(informatique et gestion, par exemple). Ainsi, nous croyons qu'une formation complète
en sciences de l'information doit faire appel à de nombreuses disciplines et doit prendre
en considération les changements qui ont présentement lieu au sein de la société de
l'information.
Une formation complète en sciences de l’information ne peut pas aujourd’hui éviter la
question du numérique. Que ce soit au niveau de la conservation de documents
numériques ou au niveau de l'offre de documents numériques aux différentes clientèles
des archives ou des bibliothèques, il est nécessaire pour les programmes universitaires
d’aborder ces différents sujets. En plus des livres numériques et des bases de données de
périodiques présentement offerts dans les bibliothèques québécoises, de nombreux autres
types de bibliothèques numériques voient le jour. Par exemple, l'offre de films ou de
musique en ligne prend de plus en plus d'importance dans les bibliothèques publiques. Un
exemple de ce service est Hoopla, un service qui rend disponibles aux usagers de
certaines bibliothèques canadiennes et américaines des films, des séries télévisées, des
documentaires et de la musique. (Hoopla 2014) Bien que la question des bases de
données et des livres numériques soit prépondérante au sein de nos formations, certains
types de bibliothèques numériques sont parfois mis de côté et gagneraient à être inclus
dans les curriculums. Ainsi, plusieurs universités ont ajouté au cursus de la maîtrise en
sciences de l'information des cours sur les bibliothèques numériques. Par exemple,
l'Université de Western Ontario offre le cours «Digital Libraries», tout comme
l'Université de la Colombie-Britannique qui offre un cours au même libellé. (Faculty of
Information & Media Studies. University of Western Ontario 2014 ; School of Library,
Archival & Information Studies. University of British Columbia. 2014)
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En plus des nouveaux modes de diffusion de l'information, les milieux documentaires se
préoccupent de plus en plus des différents types de clientèles : les adolescents, les
nouveaux arrivants, les personnes en alphabétisation, etc. Lors d’un colloque tenu en
2007 sur l’avenir des bibliothèques publiques, les participants avaient noté plusieurs
préoccupations, dont celle de « Bien desservir et d’adapter aux multiples clientèles famille, enfants, adolescents, communautés culturelles - et aux non-usagers, et pour y
parvenir, chercher à mieux les connaître et à documenter leurs besoins, notamment par
des statistiques régionales, locales ou de quartier. » (Réseau BIBLIO du Québec et
Bibliothèques publiques du Québec, p.29) Selon les cas, les besoins en information sont
différents. Les futurs spécialistes de l'information doivent apprendre à développer des
collections et des services qui répondent à ces besoins. La formation axée sur les besoins
des adultes et des enfants existe depuis de nombreuses années, mais peu de cours sont
offerts afin de cerner ce qu'il est possible de faire pour les autres clientèles. Nous saluons
les initiatives des Universités de Western Ontario et de la Colombie-Britannique qui
offrent des cours sur les services à développer pour les jeunes adultes : «Literature and
Other Material for Young Adults», «Services for Young Adults», «Young Adult
Materials», etc. (Faculty of Information & Media Studies. University of Western Ontario
2014 ; School of Library, Archival & Information Studies. University of British
Columbia. 2014) De la même manière, il semble aujourd’hui nécessaire de développer
des cours traitant des services pour les nouveaux arrivants ou les analphabètes. Selon
nous, la formation universitaire doit non seulement favoriser la réflexion des futurs
bibliothécaires sur les enjeux et défis relatifs aux besoins d’information de ces
populations, mais aussi stimuler les recherches des futurs chercheurs.
Recommandation 1 :
Que les programmes de cycles supérieurs en bibliothéconomie et sciences de
l'information offrent des cours sur les nouveaux médias et les nouveaux publics.
Les bibliothécaires et archivistes font face à d’autres enjeux, plus fondamentaux: nos
professions sont méconnues, et le public ignore souvent la simple existence des services
que nous offrons. En plus des notions transdisciplinaires de gestion et d’informatique qui
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font déjà partie du cursus, il est essentiel d’aborder les questions de communication et de
marketing: afin d’aider un usager, il faut premièrement être en contact avec ce dernier.
Le besoin même pour la Corporation des bibliothécaires professionnels du Québec de
bâtir une campagne de promotion1 (Corporation des bibliothécaires professionnels du
Québec 2013b) pour faire connaître la profession est un symptôme de ces lacunes. Nos
capacités s’étendent largement plus loin que la vision populaire de notre profession, qui
se résume souvent à placer livres et documents sur des tablettes. Cette vision est
commune même au sein des écoles, comme le montre ce témoignage du bibliothécaire
scolaire Olivier Ménard: « (enseignants et directions d’école compris) ne connaissent pas
le métier de bibliothécaire et encore moins l’utilité de notre rôle pour la réussite des
élèves. Le principal défi, comme dans plusieurs autres milieux, je suppose, réside dans la
promotion de nos compétences et de notre expertise. » (Corporation des bibliothécaires
professionnels du Québec 2013a) Sans de meilleures habiletés de communication, nous
risquons l’obsolescence pour la profession et, surtout, d’échouer à soutenir pleinement
nos clientèles.
De nombreuses universités ont déjà compris cette nécessité et offrent des cours en
marketing ou en communication (notamment sur les médias sociaux). Par exemple,
l'Université de Western Ontario offre des cours se nommant «Marketing and public
relations for information professionals» ou «Publishing, media and librarianship»
(Faculty of Information & Media Studies. University of Western Ontario 2014).
Une vision plus large du rôle de la bibliothèque, en tant que troisième lieu, nous amène
par ailleurs à souligner l’importance pour les gestionnaires de bibliothèque de s’impliquer
dans les projets de construction ou de réaménagement de bibliothèques. La majorité des
professionnels n'auront jamais bénéficié d'une formation en architecture ou en design
d'intérieur afin de mener ces projets à bien. Ainsi, nous saluons l'Université de la
Colombie-Britannique qui offre un cours de design de bibliothèques, « Planning and
Design of Libraries» (School of Library, Archival & Information Studies. University of
British Columbia. 2014).
1
La campagne de promotion se trouve sur le site web savoir.ca.
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Le rôle de la bibliothèque et des professionnels de l’information est en constante
évolution. On ne peut se préparer à toutes les éventualités; toutefois, une formation qui
mise sur l’interdisciplinarité garantirait la flexibilité qui permettra aux futurs
professionnels de répondre aux défis qu’ils rencontreront. Notre objectif, à travers la
recommandation 2, n’est pas d’offrir une formation complète dans tous les domaines
potentiellement connexes aux sciences de l’information. Il s’agit plutôt de fournir les
outils nécessaires pour éliminer les formations bâties en silos : des programmes construits
de manière interdisciplinaire permettront aux futurs diplômés de mieux coordonner leurs
efforts et leurs visions avec tous les intervenants du milieu.
Recommandation 2 :
Que les programmes de cycles supérieurs en bibliothéconomie et sciences de
l'information soient construits de manière interdisciplinaire, en incluant notamment des
cours en gestion, en informatique, en communication et en design.
Toutefois, il est impossible d’approfondir nos connaissances dans tous les domaines en
deux ans. C’est pourquoi nous pensons que les professionnels de l’information devraient
pouvoir profiter d’une formation continue, que ce soit au sein des écoles de
bibliothéconomie et des sciences de l’information ou au sein des associations
professionnelles, afin de répondre aux besoins et aux intérêts des professionnels présents
et futurs. Cela pourrait se faire sous plusieurs formules, tout en étant encouragées, dans le
cas où elles existent déjà. Au Québec, la Corporation des bibliothécaires professionnels
du Québec offre déjà un programme de formation continue qui s’adresse aux
professionnels. (Corporation des bibliothécaires professionnels du Québec 2014)
D’autres institutions fonctionnent par la tenue d’ateliers : par exemple, l’école de
bibliothéconomie et des sciences de l’information de l’Université d’Alberta offre des
cours d’un crédit aux étudiants et aux professionnels afin de perfectionner leurs
compétences dans certains domaines. Ces cours sont offerts pendant une fin de semaine
complète, du vendredi au dimanche (School of Library and Information Studies. Faculty
of Education. University of Alberta 2014). Enfin, bien que la majorité des cursus offrent
plusieurs cours de gestion, une spécialisation dans ce domaine pourrait être nécessaire
pour un spécialiste de l’information qui obtient un poste de gestionnaire quelques années
après sa sortie de l’Université. Bien sûr, des écoles de gestion existent, mais elles ne sont
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pas spécialisées dans la gestion des bibliothèques et des centres d’archives. Au Québec,
les universités offrent des Diplômes d’études supérieures spécialisées (D.E.S.S.). Il s’agit
de diplômes s’adressant aux professionnels d’un domaine, leur permettant d’acquérir des
compétences supplémentaires dans un diplôme totalisant 30 crédits. (Université de
Montréal 2014) Il pourrait être intéressant de développer un D.E.S.S. en gestion des
services d’information, pour répondre aux besoins des professionnels qui se retrouvent
gestionnaires sans expérience préalable en gestion.
Recommandation 3 :
Que la formation continue en bibliothéconomie et sciences de l’information soit
encouragée, que ce soit au sein des universités ou des associations professionnelles.
Recommandation 4 :
Que la création d’un D.E.S.S. en gestion de services d’information pour les étudiants
ayant un diplôme de cycles supérieurs en sciences de l'information ou ayant une
expérience équivalente dans le milieu des services documentaires soit envisagée dans les
universités canadiennes offrant un parcours en sciences de l’information.
De même, la formation archivistique québécoise présente certaines lacunes. Ces lacunes
risquent d’avoir un impact sur l’avenir des centres d’archives, puisqu’elles concernent la
formation des futurs archivistes. Comme le souligne Daniel Ducharme dans son billet
publié le 4 novembre 2013 sur son blogue "Daniel Ducharme, archiviste (Record and
Archives manager)", il existe une confusion au niveau de la formation archivistique au
Québec et des possibilités d’emploi octroyées par ces formations. Plusieurs institutions
offrent des formations pouvant se regrouper sous le giron de la discipline archivistique
(Daniel Ducharme 2013) :
Des cégeps offrent un programme de techniques en documentation (3 ans à temps
plein) permettant de travailler en tant que technicien en documentation. Ce
programme porte tant sur l’archivistique que la bibliothéconomie.
Des universités offrent également des formations en archivistique au niveau du
premier cycle sous la forme du certificat (30 crédits) ou de microprogramme (15
crédits). Il s’agit d’universités comme l’UQAM, l’UQAC, l’Université de
Montréal, l’Université Laval et l’Université McGill.
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Enfin, il existe trois universités qui offrent un programme de deuxième cycle (48
crédits) que l’on peut associer à la discipline archivistique : l’Université de
Montréal, l’Université McGill et l’Université Laval. Ces trois universités ont
chacun des programmes distincts avec des approches uniques.
Ces trois niveaux de formations offrent tous une base permettant d’occuper le métier
d’archiviste ou de gestionnaire de l’information. Or, les perspectives d’emplois et les
attentes du marché sont souvent diffuses par rapport à la formation offerte. Il existe une
incohérence au niveau des titres des postes, ce qui rend difficile de cerner les
qualifications requises pour occuper ces emplois. L’intitulé des postes porte souvent à
confusion. Répertoriés par Daniel Ducharme, on y retrouve des titres tel qu’analyste,
commis, conseiller, responsable, spécialiste, technicien, auxquels se rajoutent des
expressions : gestion documentaire, gestion des documents et des archives, gestion de
l’information, gestion informationnelle, etc. (Ibid) Hélas, les qualifications requises pour
ces postes ne sont pas fixes non plus. Si la distinction entre les archivistes professionnels
et archivistes-techniques et les tâches de ces professionnels sont généralement reconnues,
notamment par l’Association des Archivistes du Québec (AAQ), les exigences pour faire
partie de ces catégories varient énormément. Pour être archiviste professionnel, il est
généralement accepté d’avoir une maîtrise ou un certificat jumelé à un baccalauréat.
Quant au statut de technicien en archivistique, le diplôme en techniques de
documentation est généralement perçu comme suffisant. Cependant, il n’est pas rare que
des techniciens aient seulement un certificat.
Cette situation nous permet de nous poser quelques questions. Comment expliquer qu’un
individu avec un certificat peut soit être professionnel ou technicien selon la possession
d’un baccalauréat? Est-ce que ces offres de formation favorisent la diversité ou
alimentent-elles la confusion sur le parcours à suivre pour ceux qui voudraient
entreprendre une carrière en archivistique?
La situation de la formation archivistique est confuse. Cette confusion au niveau des titres
et des compétences nécessaires pour les occuper peut être un problème pour l’avenir des
centres d’archives. Derrière chaque centre d’archives, on retrouve du personnel qualifié
possédant une formation. Or, comment s’assurer que les postes sont occupés par les
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individus possédant une formation adéquate malgré cette confusion au niveau des postes
et des compétences requises ? Est-ce que ce flou professionnel dissuade plusieurs
individus de s’engager dans la profession ?
Il serait souhaitable qu’il y ait une discussion entre les différents acteurs du milieu
archivistique (institutions de formation, employeurs, associations et regroupements) sur
les compétences, responsabilités et titres des emplois reliés aux archives et à la gestion
documentaire afin de résoudre cette situation. Il serait ainsi possible de créer un
consensus sur les faiblesses des programmes de formation et d’ouvrir la discussion sur les
solutions possibles, que ce soit au niveau de programmes de formation continue ou même
de la création d'un baccalauréat en archivistique.
Recommandation 5 :
Qu'une discussion entre les acteurs du milieu archivistique québécois soit organisée pour
cerner les lacunes de la formation en archivistique et offrir des solutions réalistes.
Ces recommandations sur la formation des futurs professionnels des sciences de
l’information vont de pair avec l’importance pour ces derniers de développer une identité
professionnelle dès le début de leur formation universitaire. Dans une méta-analyse
d’articles consacrés au développement de l’identité professionnelle, Trede, Macklin et
Bridges (2012) estiment que trois étapes caractérisent ce processus. Le futur
professionnel développe d’abord des compétences pertinentes, acquiert des connaissances
et se familiarise avec les valeurs fondamentales de son groupe professionnel. Ensuite,
par l’adhésion à ces valeurs et par de premières actions concrètes, le futur professionnel
comprend mieux sa position unique. Enfin, le futur professionnel se reconnaît et s’affiche
comme tel en intégrant ces valeurs dans son identité personnelle. L’identité
professionnelle devient donc une forme d’idéal professionnel, dont les valeurs guideront
l’adoption des conduites professionnelles (Larouche et Legault 2003).
Le rôle social du professionnel de l’information nous paraît ainsi incontournable. Une
analyse de 37 codes d’éthique d’associations professionnelles du domaine des sciences de
l’information a permis d’identifier que les valeurs et principes qui guident l’action
professionnelle peuvent se classer en cinq groupes: 1) la priorisation des besoins des
usagers; 2) la compréhension du rôle du professionnel de l’information et son
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engagement à le remplir; 3) l’appui à la profession et aux associations professionnelles;
4) l’ouverture et la réceptivité aux responsabilités sociales de la profession, dans la
mesure où elles ne nuisent pas aux actes professionnels, et enfin, 5) la connaissance et la
défense des droits des usagers, des employeurs, des professionnels, de la communauté et
de la société au sens large (Koehler et Pemberton 2000).
En conséquence, nous estimons que le milieu universitaire, par sa valorisation du
développement de la connaissance, doit être un lieu fertile au développement de l’identité
professionnelle des bibliothécaires et archivistes en maintenant des standards
d’évaluation élevés et en favorisant l’engagement de leurs étudiants dans l’apprentissage
de leur profession et des valeurs qui la sous-tendent. Nous estimons que les écoles
spécialisées et les départements veillant à la formation des professionnels de
l’information doivent eux-mêmes endosser les valeurs propres à leur profession et
favoriser l’embauche d’enseignants en mesure de démontrer, par leur enseignement, leur
niveau élevé d’engagement dans la profession.
Lors de précédents débats, l’AEEEBSI avait consulté ses membres afin d’établir ce que
sont, selon eux, les valeurs primordiales des professionnels de l’information. Nous
rappelons ici la position issue de ces discussions :
Que l’AEEEBSI affirme ce qu’elle considère comme étant les valeurs cardinales des
professionnel-le-s de l’information, des bibliothécaires et des archivistes : assurer le
droit fondamental à la liberté intellectuelle, faciliter l’accès à toutes formes et à tous
moyens d’expression du savoir, garantir le droit d’expression, garantir le droit à
l’anonymat, s’opposer à toutes tentatives visant à limiter le droit à l’information et à la
libre expression de la pensée.(AEEEBSI 2014b)
En ce sens, nous croyons que le parcours universitaire des futurs professionnels de
l’information devrait leur permettre de développer les valeurs ci-haut mentionnées.
Recommandation 6 :
Que la formation universitaire des futurs professionnels de l’information encourage le
développement de valeurs communes, soit d’assurer le droit fondamental à la liberté
intellectuelle, faciliter l’accès à toutes formes et à tous moyens d’expression du savoir,
garantir le droit d’expression, garantir le droit à l’anonymat, s’opposer à toutes tentatives
visant à limiter le droit à l’information et à la libre expression de la pensée.
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Enjeux du numérique
Au cours des dernières années, Internet et les ressources numériques ont pris de plus en
plus d’importance au sein de la société. Le contenu numérique est plus facilement
accessible à distance et il devient ainsi plus aisé d’avoir rapidement accès à l’information
recherchée à l’aide des ressources numériques. La diversité des ressources disponibles à
distance permet donc d’offrir à tous un accès à un large éventail de bases de données
comme on peut le constater en jetant un oeil aux ressources numériques offertes par
Bibliothèques et archives nationales du Québec (BAnQ). En 2012, le nombre de bases de
données de la BAnQ était de 229, alors que le nombre de publications en série
électroniques était établi à 31 462 documents. De même, le nombre de visites virtuelles
démontrent bien l’importance que prend aujourd’hui le monde virtuel dans nos vies : 5
516 407 visites virtuelles contre 2 539 493 visites en personne. (Ministère de la Culture et
des Communications du Québec et Bibliothèque et Archives nationales du Québec 2012)
L’accessibilité à ces ressources est sans aucun doute utile à plusieurs usagers, qui peuvent
consulter des bases de données généalogiques, des statistiques, des encyclopédies, des
livres et des périodiques du confort de leur foyer.
Malheureusement, ce ne sont pas tous les citoyens canadiens qui ont les moyens de se
procurer les technologies nécessaires à la consultation des différentes ressources
numériques. L'Enquête canadienne sur l'utilisation d'Internet révèle bien une
augmentation de l'utilisation d'Internet dans les ménages, mais elle permet aussi de
constater que près de 20 % des Canadiens n'y ont toujours pas accès de leur domicile
(Statistique Canada 2013). La problématique est d'ailleurs plus importante dans les
régions plus éloignées, alors que ce sont ces régions qui gagneraient à utiliser les
ressources électroniques accessibles à distance, vu leur territoire très étendu. La fracture
numérique est donc encore bien présente en Amérique du Nord, où certaines régions sont
même privées de services d'Internet. L’implantation de services numériques ne doit pas
se faire à tout prix, au risque d’exclure des populations vulnérables et d’institutionnaliser
la fracture numérique.
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Recommandation 7 :
Que l’acquisition de ressources numériques ne se fasse pas au détriment des populations
n’ayant pas accès à Internet.
L’arrivée du numérique, perçue par certains comme la fin des bibliothèques, suppose
pourtant un renouveau pour ces institutions. Tout d’abord, les professionnels de
l’information deviennent des personnes indispensables pour aider les gens à se retrouver
parmi la surabondance d’information. À ce jour, Internet compte 1.64 milliard de pages.
(WorldWideWebSize 2014) En 2009, lors d’un sondage mené par Léger Marketing pour
la Table de concertation des bibliothèques québécoises, 69 % des répondants affirmaient
utiliser Internet comme source d’information principale. (Table de concertation des
bibliothèques québécoises et Léger Marketing 2009, p. 85) Ce pourcentage grimpait à
79 % chez les répondants qui ne fréquentaient pas les bibliothèques. (Ibid) Rien n’indique
toutefois que les répondants trouvaient l’information recherchée, voire que cette
information était pertinente. Les bibliothèques ont donc un rôle nécessaire auprès de la
population, que ce soit afin de leur indiquer les meilleures méthodes de recherche sur
internet ou simplement pour leur apprendre à évaluer leurs sources. De plus, les
bibliothèques doivent mettre de l’avant leurs ressources, souvent méconnues. Fort est à
parier que les usagers de la BAnQ ignorent l’existence de l’une ou de plusieurs bases de
données offertes par cette institution, bases de données qui pourraient leur être beaucoup
plus utiles qu’Internet dans nombre de situations. À l’heure actuelle, les ressources
numériques se multiplient alors que les institutions ne sont pas en mesure de fournir une
formation continue à leurs employés qui leur permettrait de bien connaître chacune des
ressources pour ensuite les faire valoir auprès des usagers et ainsi les conseiller
convenablement dans leurs recherches. Les usagers ont donc accès à distance à une mine
de ressources, mais comme ils n’arrivent pas à s’y retrouver, ils abandonnent souvent
leurs recherches et se tournent vers des moteurs de recherche ou des sources moins
fiables, mais où l’information est plus facile à trouver. Il est impossible de nier qu’il est
encore nécessaire aux usagers des bibliothèques d’être en contact avec un visage humain
qui sait se retrouver aisément dans la mare d’information mise à leur disposition. De
même, il est indispensable que les professionnels de l’information connaissent les
différentes ressources offertes par leurs employeurs et puissent utiliser efficacement leurs
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interfaces de recherche. Les différents fournisseurs de bases de données devraient ainsi
offrir de la formation aux professionnels de l’information.
Recommandation 8 :
Que l’accès à des ressources électroniques ne soit pas un prétexte pour diminuer le
nombre de professionnels de l’information dans les institutions.
Recommandation 9 :
Que des formations continues sur les ressources numériques soient offertes pour les
employés et les usagers des bibliothèques et des centres d’archives.
De plus, les ressources numériques représentent plus souvent qu’autrement des
investissements important pour les bibliothèques. BAnQ, qui doit desservir l’ensemble de
la population québécoise, pour l’année fiscale 2012-2013, comptabilise un ratio de 50/50
pour ce qui est du traitement des documents physiques et numériques de la collection
universelle selon Mélanie Dumas, Directrice de l’accès à la Collection universelle (BAnQ
2013). Dans le cas des bibliothèques universitaires, ces dernières ont souvent des budgets
majoritairement consacrés à l’acquisition des ressources numériques. Ceci s’explique par
le fait que le coût d’accès aux bases de données est de plus en plus exorbitant. Selon
l’Association of Research Libraries, le coût des abonnements aux périodiques pour les
universités a augmenté de 402 % de 1986 à 2011, un pourcentage énorme considérant
que l’inflation n’a été que de 106 % dans les mêmes années. (Richard Dumont 2013a)
Les étudiants exigent de plus en plus d’avoir accès à l’information rapidement et le plus
possible sans avoir à se déplacer. Les bibliothèques universitaires tentent donc de
satisfaire leur clientèle en leur offrant les ressources numériques les plus importantes et
indispensables au détriment du développement des collections imprimées. Ainsi, les
bibliothèques de l’Université de Montréal ont alloué seulement 11 % de leur budget à
l’achat de monographies en 2012. (Richard Dumont 2013b) L’achat de périodiques
électroniques est un problème croissant dans les universités, alors que les fournisseurs
refusent de vendre leurs périodiques à la pièce et en vendent plutôt de grands ensembles.
Ces derniers contiennent toutefois très peu de périodiques utiles aux usagers des
bibliothèques universitaires, et les institutions paient alors pour des documents qui ne
sont pas utilisés. Cela permet aux fournisseurs de bénéficier d’une marge de profit très
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importante2, alors que les budgets des universités sont peu à peu saturés. Les universités,
pour diminuer leurs coûts, forment des consortiums afin de pouvoir négocier avec les
fournisseurs. Toutefois, ces mesures ne sont pas suffisantes et il est impératif de revoir les
ententes avec les fournisseurs de bases de données.
Recommandation 10 :
Qu’une entente avec les fournisseurs de bases de données soit faite pour en diminuer les
coûts.
D’autres moyens ont également été envisagés pour réduire la dépendance des
bibliothèques universitaires aux grands ensembles de périodiques pour avoir accès à la
littérature scientifique. Ainsi, les universités mettent à la disposition des étudiants,
chercheurs et professeurs des dépôts institutionnels. Présentement, les dépôts accueillent
les mémoires et thèses des étudiants, mais également certains articles publiés par les
professeurs de ces institutions. De plus, certains chercheurs publient également leurs
articles sur leurs sites web personnels, en accès libre. Toutefois, il faut noter que certaines
ententes avec les périodiques qui éditent ces articles interdisent aux professeurs de
publier leurs articles ailleurs, soit en accès libre. Afin de valoriser l’accessibilité à
l’information, nous encourageons les chercheurs à utiliser ces alternatives.
Recommandation 11 :
Que les dépôts institutionnels et la publication en accès libre soient favorisés.
De plus, notons que l’arrivée progressive du livre numérique dans les bibliothèques pose
encore certains problèmes d’accessibilité. Depuis quelques mois, les bibliothèques
publiques sont de plus en plus nombreuses à proposer à leurs abonnés des livres
numériques grâce à la plateforme PRETNUMERIQUE.CA. Il s’agit d’une plateforme qui
propose des livres de fiction, majoritairement québécois, tout comme des essais ou autres
documentaires, aux abonnés des bibliothèques participantes. Bien que l’offre
documentaire ne soit pas encore parfaite (plusieurs éditeurs ne proposant pas leurs titres
en format numérique), cette plateforme offre un service intéressant. Malheureusement,
2
Richard Dumont rapportait que « les profits énormes d'Elsevier – 1,1 milliard sur des revenus de 3
milliards (36 %) en 2011 – ne sont donc pas le fruit du hasard... J'ai pris l'exemple d'Elsevier, mais la
situation est similaire chez les autres grands éditeurs commerciaux: Springer (34 % en 2010), John Wiley &
Sons (42 % en 2011)1, etc. ». (Richard Dumont 2013a)
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Page 17
Amazon refuse présentement de participer à ce projet, et il est donc impossible pour les
propriétaires de Kindle de télécharger gratuitement des livres via cette plateforme, car le
Kindle ne lit pas les formats EPUB (BIBLIOPRESTO.CA 2014). Pour garantir
l’accessibilité à ces titres, il est nécessaire d’obtenir une entente avec Amazon pour que
les livres numériques puissent être empruntés par le plus grand nombre d’usagers
possible.
D’autres bases de données viennent pallier à l’offre documentaire incomplète au niveau
des livres numériques. Pensons notamment à Numilog, base de données offerte par la
BAnQ, qui compte plusieurs oeuvres européennes qui ne sont toujours pas disponibles
sur PRETNUMERIQUE.CA. Or, cette plateforme semble être relativement coûteuse, ce
qui signifie que la majorité des bibliothèques publiques ne peuvent pas l’offrir à leurs
abonnés. Nous croyons qu’un partage de ces ressources parmi les bibliothèques publiques
serait souhaitable afin d’augmenter l’offre de livres numériques dans les bibliothèques
publiques.
La situation est également problématique dans les bibliothèques scolaires, qui n’ont
aucune entente avec des fournisseurs de livres numériques au moment d’écrire ces lignes.
Afin de favoriser l’apprentissage de la lecture chez les élèves québécois, il nous semble
nécessaire de travailler à la mise sur pied d’une entente visant l’offre de livres
numériques dans les bibliothèques scolaires.
Recommandation 12 :
Que les plateformes de livres numériques soient accessibles sur tous les types de support
(Kindle, Android, Apple, Windows, etc.).
Recommandation 13 :
Que l’augmentation de l’offre de livres numériques pour les bibliothèques publiques et
scolaires soit favorisée.
Enfin, il faut être conscient que la conservation des documents numériques peut poser
problème. Le monde informatique étant en constante évolution, il est impossible de
savoir quels seront les supports privilégiés dans une dizaine d’années, voire les formats
que nous pourrons encore décrypter. Il suffit de songer aux VHS ou aux disquettes :
nombreux sont ceux qui n’ont plus les appareils permettant de lire les documents se
Mémoire sur l'état et l'avenir des bibliothèques et des centres d'archives
Page 18
trouvant sur ces supports. De même, il est possible que de vieux formats électroniques
soient impossibles à lire sur de nouveaux équipements.
Le même problème peut se poser pour les documents indexés sur les différentes bases de
données offertes par les bibliothèques. En effet, il est possible que certaines ententes avec
des fournisseurs ne permettent pas aux bibliothèques de conserver les documents pour
lesquels ils ont payés par le passé si jamais le fournisseur fait faillite ou si la bibliothèque
met fin à son abonnement. Il est donc indispensable de sensibiliser les professionnels de
l’information à cette problématique et d’envisager des solutions nous permettant de
conserver les documents électroniques malgré l’évolution des supports.
Recommandation 14 :
Que les bibliothèques et les centres d’archives soient sensibilisés aux problèmes de
conservation que peuvent poser les formats numériques et que des actions soient
entreprises pour assurer la pérennité des documents électroniques.
Mémoire sur l'état et l'avenir des bibliothèques et des centres d'archives
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Perspectives des bibliothèques : le troisième lieu
L’arrivée du numérique dans les bibliothèques est l’occasion de remettre en question la
mission des bibliothèques. Les sanctuaires du livre où le travail individuel et le silence
étaient de mise ne correspondent plus aux besoins de la clientèle des bibliothèques. De
plus en plus, les usagers des bibliothèques ont besoin d’un lieu où ils peuvent
communiquer, travailler en équipe et se détendre. La bibliothèque doit évoluer et se
dissocier de la conception conservatrice selon laquelle les bibliothèques ne sont pas des
lieux où socialiser. Encore trop peu d’usagers voient la bibliothèque comme un endroit où
rencontrer des gens et où échanger : un sondage mené en 2009 par Léger Marketing pour
la Table de concertation des bibliothèques québécoises indiquait que seuls 12 % des
Québécois étaient tout à fait d’accord pour dire que la bibliothèque devrait être un lieu
pour rencontrer des amis ou pour socialiser (Table de concertation des bibliothèques
québécoises et Léger Marketing, p.57). La bibliothèque demeure encore un lieu lié à
l’emprunt de documents : ce même sondage indiquait que 68 % des répondants
fréquentaient principalement la bibliothèque pour emprunter des documents (Ibid, p.116)
Afin de briser cette conception et de faciliter les échanges, les programmations d’activités
de plus en plus élaborées favorisent les rencontres entre les citoyens. Les bibliothèques
deviennent donc des lieux de rencontre comme l’étaient jadis les églises et les marchés et
permettent ainsi de contrer l’effet d’isolement social qui devient de plus en plus lourd
(Servet 2010). Mathilde Servet, spécialiste du troisième lieu à la BnF, affirme même que
celui-ci est un espace « neutre, propice à un échange informel entre tous les membres de
la communauté, procurant des opportunités de rencontres autres que celles possibles dans
les sphères privée ou professionnelle. » (Servet 2010).
L’espace des bibliothèques doit également être repensé afin d’offrir plus que de simples
tables de travail et des étagères pour classer des documents. On voit donc apparaître dans
les bibliothèques des fab labs qui offrent les outils nécessaires aux usagers pour la
création de matériaux, d’outils ou encore de vêtements (Chapdelaine 2013). Les
nouveaux aménagements de bibliothèques « troisième lieu » sont donc divisées en
fonction de l’utilité des espaces. Ainsi, des salles sont plus propices au silence et au
travail individuel tout comme des espaces sont aménagés de façon à permettre aux
Mémoire sur l'état et l'avenir des bibliothèques et des centres d'archives
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usagers de faire du bruit, de discuter et de débattre sans déranger. Afin qu’un troisième
lieu soit complet, il est nécessaire d’y offrir des endroits où il est possible de manger et de
boire. C’est pourquoi, de plus en plus, les bibliothèques prévoient un espace « café ». Ces
zones peuvent aussi inclure des endroits plus ouverts et d’autres plus intimistes afin que
chacun y trouve son confort.
De plus, pour remplir la mission de la bibliothèque, il est aussi important de promouvoir
la création pour favoriser l’émergence de talents tant chez les jeunes que les adultes. La
bibliothèque doit donc fournir les moyens nécessaires à l’émergence de cette relève
culturelle en offrant à ses usagers des services favorisant la création. Les usagers des
bibliothèques ont aussi, plus que tout, besoin d’un lieu où ils peuvent être stimulés que ce
soit manuellement ou intellectuellement.
Afin d’encourager cette évolution du concept de bibliothèque, plusieurs institutions ont
donc adopté le concept du troisième lieu. Celui-ci fut élaboré par Ray Oldenburg,
professeur de sociologie urbaine, qui le définit comme un espace important pour la
société civile, la démocratie, l’engagement civique et l’instauration d’un sentiment
d’appartenance. (AEEEBSI 2014b)
Dans le contexte de dématérialisation du savoir, de la diversification des biens culturels et
d’information dans lequel la bibliothèque s’inscrit, celle-ci aura donc avantage à redéfinir
ses espaces, ses pratiques et ses mandats afin d’assurer sa pérennité. Le concept de
troisième lieu est une approche qui permet de bien s’adapter aux besoins changeants de la
clientèle des bibliothèques. À ce sujet, Réjean Savard, professeur à l’École de
bibliothéconomie et des sciences de l’information de l’Université de Montréal, affirmait
en entrevue : «Même s'ils ont accès à d'innombrables sources d'information, les gens ont
besoin de sortir de chez eux. Les élus estiment qu'il faut leur offrir un lieu à la fois
convivial et inspirant». (Mathieu-Robert Sauvé 2013) En en faisant des lieux où les
usagers peuvent aller se détendre en dehors de la sphère du foyer et du domaine du
travail, en devenant le troisième lieu des citoyens, la bibliothèque regagne sa place
légitime au sein de la société. Nous considérons donc que les bibliothèques canadiennes
devraient se doter d’espaces correspondants à l’approche du troisième lieu afin de
s’ajuster aux besoins de sa population tout en assurant sa pérennité en devenant un lieu
Mémoire sur l'état et l'avenir des bibliothèques et des centres d'archives
Page 21
social essentiel, permettant aux usagers de reprendre goût aux communications et aux
rencontres physiques.
Lors de précédents débats, l’AEEEBSI s’était déjà prononcée sur la question de troisième
lieu au sein des bibliothèques. Nous rappelons ici la position issue de ces discussions :
Que l’AEEEBSI prenne position en faveur de la réflexion, de la discussion et de la
recherche sur la redéfinition de la bibliothèque comme troisième lieu.(AEEEBSI 2014b)
Ainsi, nous croyons que le concept de bibliothèque comme troisième lieu devrait être
encouragé au sein des institutions canadiennes.
Recommandation 15 :
Que le concept de bibliothèque en tant que troisième lieu soit mis de l’avant au sein des
bibliothèques canadiennes.
Mémoire sur l'état et l'avenir des bibliothèques et des centres d'archives
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Conclusion
L'avènement du numérique dans les bibliothèques et centres d'archives canadiens
provoque une aire d'évolution dans ces milieux qui doivent redéfinir leur mission et
s'adapter aux changements constants liés au numérique. L'AEEEBSI est bien placée pour
se prononcer sur cette question puisque les étudiants en sciences de l'information
s'interrogent constamment sur les enjeux et l'avenir de leur future profession. Les
étudiants en bibliothéconomie et sciences de l'information recherchent donc, tout au long
de leur parcours, à bien s'outiller et à prévoir de quelles notions ils auront besoin pour
répondre aux besoins de leur futur milieu de travail. C'est pourquoi nous avons tenu à
nous prononcer sur les sujets proposés qui nous interpellaient plus particulièrement, soit
la formation des futurs professionnels de l'information, les enjeux du numérique et la
perspective des bibliothèques comme troisième lieu. Il nous est apparu important qu'une
adaptation de la formation à la maîtrise en bibliothéconomie et sciences de l'information
soit envisagée. Selon nous, cette formation devrait inclure des cours sur les nouveaux
médias et les nouveaux publics et être construits de manière interdisciplinaire afin de
couvrir plusieurs aspects du travail pluridisciplinaire des professionnels de l'information
tels que la gestion, l'informatique, la communication et le design. Nous sommes aussi
d'avis que la formation continue devrait être favorisée. Nous souhaitons aussi avancer
qu'il serait important qu'au cours de ces formations, des valeurs communes doivent être
développées. Enfin, la formation en archivistique au Québec devrait faire l'état de
discussions.
Pour ce qui est des enjeux du numérique, nous avons soulevé qu'il est important de tenir
compte de la fracture numérique et du fossé d'accès à l'information qu'elle pourrait
engendrer auprès des régions où il n'y a pas d'accès à Internet et des personnes n'ayant
pas les connaissances nécessaires à l'utilisation des ressources électroniques. Pour que le
passage au numérique soit possible, il faut avant tout former des professionnels de
l'information à l'utilisation des ressources afin que ceux-ci puissent ensuite faire part de
leur savoir aux usagers des bibliothèques et des centres d'archives. Il est aussi important
que ces professionnels soient disponibles auprès des usagers pour faciliter leur immersion
au monde du numérique. L'accès à des ressources électroniques ne doit donc pas servir de
Mémoire sur l'état et l'avenir des bibliothèques et des centres d'archives
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prétexte à la diminution de l'embauche de professionnels de l'information puisqu'ils sont
plus que jamais indispensables à la population. La formation continue aux employés et
aux usagers des milieux documentaires est aussi un élément important du passage de ces
institutions au numérique. D'un autre point de vue, bien que les formats électroniques
peuvent faciliter l'accès à l'information à distance, nous avons souligné la problématique
de leurs coûts de plus en plus exorbitants. Il est indispensable qu'une entente avec les
fournisseurs de bases de données soit faite pour en diminuer les coûts. Comme moyen
d'arriver à contrer le pouvoir des fournisseurs, nous avons proposé comme solution de
favoriser la publication en accès libre et dans les dépôts institutionnels. Les plateformes
de livres numériques devraient aussi être accessibles sur tous les types de supports.
L'offre de livres numériques devrait être prioritairement favorisée dans le milieu des
bibliothèques publiques et scolaires. Enfin, le développement de ressources numériques
dans les centres d'archives et les bibliothèques devrait être fait dans le souci de la
conservation des documents numériques.
Le concept de troisième lieu est, selon nous, la perspective la plus prometteuse en ce qui
a trait à l'avenir des bibliothèques. L'aménagement de celles-ci et leurs fonctions doivent
être repensés afin de bien répondre aux besoins des usagers qui n'ont plus besoin des
bibliothèques comme lieu d'étude et de lecture, mais comme un lieu favorisant les
interactions sociales, la détente et le divertissement tout en faisant la promotion des
différentes sphères culturelles.
Nous aimerions remercier la Société royale canadienne pour la tribune offerte et
souhaitons que les recommandations dont fait état ce document serviront à orienter cette
institution dans ses décisions à venir concernant l'avenir des bibliothèques et des centres
d'archives canadiens.
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Rappel des recommandations
Recommandation 1 : Que les programmes de cycles supérieurs en bibliothéconomie et
sciences de l'information offrent des cours sur les nouveaux médias et les nouveaux
publics.
Recommandation 2 : Que les programmes de cycles supérieurs en bibliothéconomie et
sciences de l'information soient construits de manière interdisciplinaire, en incluant
notamment des cours en gestion, en informatique, en communication et en design.
Recommandation 3 : Que la formation continue en bibliothéconomie et sciences de
l’information soit encouragée, que ce soit au sein des universités ou des associations
professionnelles.
Recommandation 4 : Que la création d’un D.E.S.S. en gestion de services d’information
pour les étudiants ayant un diplôme de cycles supérieurs en sciences de l'information ou
ayant une expérience équivalente dans le milieu des services documentaires soit
envisagée dans les universités canadiennes offrant un parcours en sciences de
l’information.
Recommandation 5 : Qu'une discussion entre les acteurs du milieu archivistique
québécois soit organisée pour cerner les lacunes de la formation en archivistique et offrir
des solutions réalistes.
Recommandation 6 : Que la formation universitaire des futurs professionnels de
l’information encourage le développement de valeurs communes, soit d’assurer le droit
fondamental à la liberté intellectuelle, faciliter l’accès à toutes formes et à tous moyens
d’expression du savoir, garantir le droit d’expression, garantir le droit à l’anonymat,
s’opposer à toutes tentatives visant à limiter le droit à l’information et à la libre
expression de la pensée.
Recommandation 7 : Que l’acquisition de ressources numériques ne se fasse pas au
détriment des populations n’ayant pas accès à Internet.
Recommandation 8 : Que l’accès à des ressources électroniques ne soit pas un prétexte
pour diminuer le nombre de professionnels de l’information dans les institutions.
Recommandation 9 : Que des formations continues sur les ressources numériques soient
offertes pour les employés et les usagers des bibliothèques et des centres d’archives.
Recommandation 10 : Qu’une entente avec les fournisseurs de bases de données soit
faite pour en diminuer les coûts.
Recommandation 11 : Que les dépôts institutionnels et la publication en accès libre
soient favorisés.
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Recommandation 12 : Que les plateformes de livres numériques soient accessibles sur
tous les types de support (Kindle, Android, Apple, Windows, etc.).
Recommandation 13 : Que l’augmentation de l’offre de livres numériques pour les
bibliothèques publiques et scolaires soit favorisée.
Recommandation 14 : Que les bibliothèques et les centres d’archives soient sensibilisés
aux problèmes de conservation que peuvent poser les formats numériques et que des
actions soient entreprises pour assurer la pérennité des documents électroniques.
Recommandation 15 : Que le concept de bibliothèque en tant que troisième lieu soit mis
de l’avant au sein des bibliothèques canadiennes.
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Sources consultées et citées
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