SOCIÉTÉ ROYALE DU CANADA – GROUPE D’EXPERTS L’ÉTAT ET L’AVENIR DES BIBLIOTHÈQUES ET ARCHIVES DU CANADA MÉMOIRE CENTRE DE RECHERCHE EN CIVILISATION CANADIENNE-FRANÇAISE DE L’UNIVERSITÉ D’OTTAWA 25 SEPTEMBRE 2013 1. Quel est votre mandat et qui sont vos membres? Fondé le 2 octobre 1958, le Centre de recherche en civilisation canadienne-française (CRCCF) a comme mandat de développer la recherche interdisciplinaire sur la société et la culture des communautés francophones de l’Amérique du Nord d’hier et d’aujourd’hui. Le CRCCF accomplit ce mandat par l’animation scientifique, la mise sur pied de projets de recherche, l’organisation de tables rondes, de colloques et de conférences, la diffusion et la publication. Il acquiert, conserve et met en valeur une riche collection d’archives et de ressources documentaires. Le CRCCF est rattaché à la Faculté des arts. Ses activités s’inscrivent en continuité avec le mandat confié en 1965 à l’Université par l’Assemblée législative de l’Ontario de préserver et développer la culture française en Ontario. Dans le monde de la recherche universitaire sur les francophonies canadiennes, le CRCCF se distingue par le développement en synergie de ces trois volets d’activité : archives, recherche et publications. Le CRCCF repose sur la participation active de ses membres. Ceux-ci conduisent des activités scientifiques (enseignement, recherche, diffusion des connaissances, administration de la recherche) dans les domaines d’intérêt du Centre, contribuant ainsi à son rayonnement. Ils bénéficient d’un accès privilégié à ses ressources. Le CRCCF compte six catégories de membres : professeurs affiliés, chercheurs affiliés, chercheurs en résidence, stagiaires postdoctoraux, étudiants, autres chercheurs. Le CRCCF compte sept membres du personnel permanent dont quatre affectés à la collection de fonds d’archives, soit le responsable des archives et trois archivistes polyvalents, mais dont une partie des tâches est consacrée à un secteur particulier : audiovisuel et photographies, informatique documentaire, et référence générale. Le CRCCF est l’un des plus importants centres d’archives francophones au Canada. Sa collection de fonds d’archives témoigne de la culture et de la société canadiennesfrançaises et de l’évolution des francophones au Canada, en particulier en Ontario, de 1850 jusqu’à aujourd’hui. Les principaux axes de développement de la collection sont : la culture du Canada français (avant 1970); les francophones d’Ottawa et de la région de la capitale; la francophonie ontarienne et son réseau associatif ; le réseau associatif francophone canadien. La collection du CRCCF est d’envergure nationale (les fonds des grandes associations et fédérations nationales, certains fonds des domaines littéraire et politique), provinciale (les fonds des associations franco-ontariennes) et régionale (les fonds de personnes et d’organismes d’Ottawa et, dans une certaine mesure, de l’Est ontarien). Les archives de la francophonie ontarienne et des francophones d’Ottawa, de leurs familles et de leurs institutions occupent plus des deux tiers de la collection du CRCCF. Le CRCCF conserve et rend accessibles 538 fonds et collections d’archives, soit plus de 2,5 km linéaires de documents textuels, des photographies (près de 1,5 M), des enregistrements sonores et des images en mouvement (plus de 15 000 heures), sans parler des autres genres de documents, iconographiques, informatiques, etc. Ces fonds d’archives proviennent de sources non institutionnelles et sont de statut privé. Ils sont constitués de documents produits et reçus par des personnes et des organismes dans le cours de leurs activités, et qui gardent une valeur permanente aux fins de recherches rétrospectives. Ces documents constituent un important corpus de sources primaires, indispensables pour les chercheurs des différentes disciplines des arts et des sciences humaines et sociales qui s’intéressent aux francophonies nord-américaines. Le CRCCF conserve donc une part importante de la mémoire et du patrimoine documentaire de la francophonie canadienne. Si nous nous réjouissons que les usagers des archives du CRCCF viennent, en majeure partie de l’Université d’Ottawa, et du milieu universitaire en général, le grand public, soit la communauté qui nous entoure, de même que divers organismes et médias, ont aussi recours à nos ressources documentaires. La communauté se reconnait dans ce patrimoine que nous conservons et nous en sommes très fiers. Des instruments de recherche sont disponibles en ligne et dans la salle de consultation du CRCCF. Les chercheurs universitaires aussi bien que le grand public peuvent consulter les documents sur place. Une bibliothèque de référence est également à leur disposition dans la salle de consultation. 2 2. Du point de vue de votre organisation, quels sont les questions et les défis les plus importants à l’heure actuelle? 3. Quels défis prévoyez-vous relever d’ici 2020 et comment vos membres aideront-ils à y faire face? Du point de vue des Archives du CRCCF : Les ressources financières limitées freinent le développement de la collection et notre capacité à obtenir les ressources humaines et matérielles nécessaire à la conservation et à la diffusion de nos fonds d’archives. Mentionnons en premier lieu les besoins en aires de conservation, qui sont toujours un défi majeur dans une université en pleine croissance. Les ressources financières manquent aussi pour assurer la description normalisée de nos fonds d’archives et la mise à jour de nos descriptions normalisées au niveau du fonds dans le contexte où le Programme national de développement des archives (PNDA), seul subventionnaire pour ce genre de projet, a été éliminé le 30 avril 2012, dans le cadre des compressions budgétaires de Bibliothèque et Archives Canada. Le seul financement disponible actuellement est celui du Musée virtuel du Canada (Réseau canadien d'information sur le patrimoine, RCIP) pour des projets d’expositions virtuelles. C’est utile, cela sert la diffusion des collections, mais cela ne rend pas nos fonds d’archives accessibles pour autant. Par ailleurs, la numérisation tous azimuts, ne convient pas aux fonds d’archives et ne remplace pas la nécessité de contextualiser les documents d’archives au moyen des instruments de recherche, désormais dans des bases de données le plus souvent en ligne, et qui rendent vraiment les archives accessibles. La réduction de l’enseignement et de la recherche universitaires, dont les études rétrospectives, sur le Canada français et les francophonies canadiennes en général, et à l’Université d’Ottawa en particulier, a un impact important sur la consultation et l’utilisation de notre collection de fonds d’archives, et sur notre capacité à obtenir des ressources. Le gouvernement fédéral devrait encourager davantage la recherche universitaire sur la francophonie canadienne. Faire reconnaître le rôle national et provincial du CRCCF de l’Université d’Ottawa, en matière de conservation et de diffusion des archives des francophonies canadiennes et ontariennes, et obtenir un financement gouvernemental spécial pour la suppléance qu’il assume. De multiples raisons, telles la localisation dans la capitale, les liens privilégiées avec la francophonie ontarienne et canadienne, le réseau interpersonnel tissé par le CRCCF, l’acquisition de fonds d’archives d’organismes et de personnes d’intérêt exceptionnel, ont fait en sorte que l’Université d’Ottawa, par son mandataire le CRCCF, a assumé et assume toujours un rôle d’envergure et de portée nationales et provinciales en matière de conservation et de diffusion des archives de la communauté 3 francophone de l’Ontario. De plus, pour les mêmes raisons le CRCCF a acquis les fonds d’archives d’associations et fédérations de représentation politique et sectorielle nationales dont les sièges sociaux sont à Ottawa, dont la Fédération des communautés francophones et acadiennes du Canada. L’Université d’Ottawa maintient et développe ce service à même ses propres ressources humaines et matérielles, depuis l’acquisition du fonds d’archives de l’Association canadienne-française de l’Ontario en 1969. La recherche et le rayonnement de l’Université en bénéficie, mais son rôle de suppléance doit être reconnu et compensé financièrement. La situation des archives des francophonies canadiennes en milieu minoritaire devrait être une des préoccupations du Groupe d’experts. Le CRCCF de l’Université d’Ottawa dispose du seul service d’archives de langue française en Ontario, et outre Sudbury et Hearst, pour le moyen-nord et le nord, les personnes et organismes francophones qui jouent un rôle important dans les régions n’ont pas de lieux à qui confier leurs fonds d’archives. La question de la régionalisation des archives est, à notre avis, vitale pour les communautés francophones. À notre connaissance, seul le Québec dispose d’un réseau de centres régionaux d’archives gouvernementales et privées (BAnQ) et autres centres agréés. Faciliter la gestion de la collection des fonds d’archives du CRCCF, développer leur accès et augmenter leur visibilité avec l’aide de collaborations et partenariats à l’échelle provinciale et nationale; La poursuite du développement des chantiers de recherche sur les francophonies canadiennes et ontarienne au CRCCF (Littérature et théâtre; Éducation; Langue; Institutions et associations; Ottawa), arrimés aux domaines d’activités représentés dans la collection de fonds d’archives, par le moyen de projets de recherche subventionnés, tel, dans le cadre du Chantier sur la francophonie et l’identité dans la région de la capitale nationale, le projet Construction d'une mémoire française à Ottawa: savoir communautaire et réseaux sociaux (CRSHC) et le développement en cours du chantier sur l’éducation en français en Ontario, avec plusieurs projets de recherche subventionnés en préparation. Nos membres sont des chercheurs et des étudiants universitaires ou des représentants de la communauté qui sont le plus souvent des utilisateurs d’archives. Ils nous appuient de diverses manières dans nos demandes et dans nos projets. 4 4. Que ferait votre organisme si son financement était accru? Quelles activités avez-vous dû mettre de côté en raison de coupures budgétaires ou de réductions de votre financement? Découlant des réponses aux deux questions précédentes, voici quelques activités et projets mis en veilleuse parfois, et que nous pourrions privilégier avec un financement accru : Embauche d’une ressource supplémentaire pour assurer dans de meilleurs délais l’intégration des accroissements de fonds d’archives d’organismes; Augmenter et améliorer nos aires de conservation (42% de ces aires sont à température et humidité contrôlées; les autres ne sont pas climatisées); Faire davantage de traitement définitif et de description normalisée de nos fonds d’archives et assurer une mise à jour plus rapide de nos descriptions au niveau du fonds; Mettre à niveau ou changer nos logiciels de bases de données; Se doter de ressources, de moyens, méthodes et procédures pour mieux évaluer et traiter les données numériques et documents électroniques de nos fonds d’archives, et sensibiliser nos donateurs; Évaluer la collection sous l’angle de la préservation et appliquer les mesures recommandées; Développer encore davantage d’instruments de recherche en ligne, (à l’interne et en partenariat, notamment des banques de données croisées avec les archives gouvernementales ontariennes); Accroître notre rôle conseil auprès des organismes versants; Réaliser davantage d’expositions virtuelles et mettre davantage de contenu numérisé en ligne; Offrir davantage de perfectionnement à notre personnel; Jouer un plus grand rôle dans la formation en sciences de l’information et en archivistique; 5 Accorder davantage de temps au développement de réseaux et de partenariats, et à la mise en commun de ressources; (De nombreux autres projets, évidemment.) 5. Quelles relations votre organisation entretient-elle avec Bibliothèque et Archives Canada (BAC)? Selon vous, quelles relations BAC devrait-elle entretenir avec les autres grands centres d’archives et les autres grandes bibliothèques? Nous entretenons avec BAC, comme avec les autres services d’archives, une relation de collaboration et de coopération, notamment en matière d’harmonisation des politiques d’acquisition. Ces dernières années, ces relations sont moins institutionnelles que professionnelles toutefois. Nous avons beaucoup d’échanges avec nos collègues archivistes de BAC. Cela dit, il est évident que BAC a perdu le leadership qu’il exerçait dans le système archivistique canadien. Il est essentiel que BAC retrouve la place à laquelle l’institution a renoncé dans la foulée des compressions de 2012 et sorte de l’isolement où l’ont conduit ses orientations récentes. BAC a un rôle conseil à jouer en plus d’offrir des services que seule une grande institution nationale peut dispenser. BAC et le système archivistique canadien sont des éléments essentiels au développement des archives au Canada et il est urgent que leur financement soit augmenté afin de multiplier le partage de services et de ressources, et de permettre aux plus petits centres d’archives de se développer. Que ce soit par l’intermédiaire de BAC ou du Conseil canadien des archives, il est essentiel qu’un programme tel le PNDA soit rétabli et que son financement soit augmenté. 6. Voulez-vous fournir d’autres informations? Voici d’autres renseignements concernant des aspects évoqués précédemment : Accessibilité à la collection En dépit de ses ressources limitées, le CRCCF, multiplie ses efforts pour rendre accessible sa collection, comme en font foi ses banques de données d’instruments et 6 d’outils de recherche disponibles en ligne, ainsi que plusieurs expositions virtuelles. Le CRCCF vient de lancer une base de données des documents numérisés de sa collection qui compte déjà 1500 images. Nous sommes à intégrer à cette base 4 500 autres images déjà sur nos serveurs. Cette nouvelle banque de données devrait s’accroître d’environ 300 images par année, en fonction des demandes de reproduction numérique de nos usagers et de la production de nouvelles expositions virtuelles par le CRCCF et ses partenaires de recherche. Depuis 2009, le CRCCF rend immédiatement accessible en ligne les notices descriptives au niveau du dossier des accroissements des fonds d’archives au fur et à mesure qu’elles sont produites. À titre d’exemple, en date du 24 septembre, la description de 2 947 dossiers de documents d’archives a été mise en ligne depuis le début de l’année 2013. Le CRCCF reçoit en moyenne 800 demandes de renseignements par années, dont en moyenne 350 en salle de consultation. Les usagers du CRCCF viennent à 70% du milieu universitaire, en particulier de l’Université d’Ottawa, à tous les cycles d’études et dans une dizaine de disciplines. Le grand public, les organismes communautaires et les médias composent 30% des usagers de la collection du CRCCF. Partenariat avec les Archives publiques de l’Ontario Le rôle provincial du CRCCF de l’Université d’Ottawa en matière d’archives vient d’être reconnu par les Archives publiques de l’Ontario, qui se sont engagés à travailler en partenariat avec lui à la mise en valeur des archives des francophones de l’Ontario. L’annonce a été faite les 24 et 25 septembre lors d’un événement au CRCCF et sur les sites Web respectifs, le 25 septembre, Jour des Franco-Ontariens et des FrancoOntariennes. Rappelons que les Archives publiques de l’Ontario conservent des archives gouvernementales concernant les francophones, dans tous les domaines d’activités, notamment, l’éducation la culture, les services à la collectivité franco-ontarienne, la justice, la santé et services sociaux; ainsi que des fonds d’archives privées de langue française, avant 1850 surtout. Le rôle des deux institutions en matière d’archives francophones est complémentaire. Un groupe de travail conjoint sera mis sur pied et nous souhaitons concrétiser de diverses manières la collaboration entre les Archives publiques de l’Ontario et le CRCCF, notamment en matière d’acquisition et de diffusion des archives. Nous comptons qu’à terme, les archives, tant publiques que privées, qui témoignent de la francophonie ontarienne seront mieux conservées et plus accessibles. Régionalisation des archives en Ontario Il s’agit d’un projet dont la faisabilité n’a pas encore été étudiée. La création de centres régionaux d’archives pourrait jouer un rôle important de sauvegarde patrimoniale et de mise en valeur de l’identité culturelle des francophones de l’Ontario. Elle favoriserait aussi une plus grande connaissance des archives de l’Ontario français. Pour plusieurs raisons, la préservation, la conservation et la mise en valeur du patrimoine archivistique des diverses régions de l’Ontario français ne peut être assuré par les intervenants 7 communautaires. Les sociétés d’histoire, bibliothèques municipales et cantonales, musées régionaux et centres culturels ne possèdent pas présentement l’expertise et les ressources requises. Quant aux Archives publiques de l’Ontario, elles n’ont ni les ressources ni le réseau interpersonnel requis pour s’occuper elles-mêmes d’archives régionales de langue française, entre autres parce qu’elles sont centralisées à Toronto. Le CRCCF, seul centre d’archives de langue française en Ontario ne peut tout assumer. Étant donné le nombre et la dispersion de la population francophone en Ontario ainsi que les ressources nécessaires, il faudrait d’abord créer un centre d’archives dans chacune des grandes régions de l’Ontario. Il existe déjà des bases pour de tels centres à Sudbury et à Hearst, mais il faudrait explorer les possibilités à Toronto et Windsor. Lors d’une deuxième étape, pourraient s’ajouter trois ou quatre centres régionaux d’archives dans la péninsule du Niagara, à Cornwall et dans Prescott-Russell. Ainsi, à terme, l’Ontario français serait doté d'un réseau d'archives qui assurerait la préservation, la conservation et la mise en valeur de divers types de documents, et qui pourrait dispenser des conseils et des services auprès des intervenants communautaires et des producteurs d'archives dans chacune des régions. La constitution de centres d’archives régionaux permettrait une approche plus nuancée des champs d'acquisition, reflétant les activités spécifiques des diverses régions. Michel Lalonde Responsable des archives CRCCF, Université d’Ottawa 8